Nuit Blanche

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Samedi 3 octobre est organisé, à Paris, la nuit blanche 2009. J’ai décidé de prendre l’air parisien, après mon séjour chez moi, au Friûl en Italie et je me dirige vers la place de l’hôtel de ville, car j’ai appris, que c’est là l’un des lieux où est distribué le catalogue de l’évènement, lequel n’est pas vraiment pratique à parcourir sur internet. Je m’assoie sur les larges rebords des fontaines de la place où je ne suis d’ailleurs pas le seul à feuilleter ces pages. Mais je ne me décide pas et je repars le nez en l’air. Tout bonnement, mes pas m’amènent tout près, au musée Beaubourg. Il est gratuit toute la nuit? Alors je vais en profiter.

Je suis déterminé à tout voir, alors j’adopte la méthode dite de sortie du labyrinthe. Cela consiste à prendre toujours à gauche, par exemple, lorsqu’une décision de direction est à prendre. Je passe ainsi tranquillement devant toutes les œuvres, que ce soit les derniers cris ou les premiers souffles du maquignonnage.

Je me promène donc entre…

…les nappes de Mondrian …

…et les taches de Miro…


… et je me dis qu’ils auraient très bien pu s’associer, tous les deux, non pas pour créer un courant artistique de l’abstraction, mais plutôt pour ouvrir un bistrot ou peut-être même une laverie… au choix. Ils auraient fait là, œuvre de perspicacité.

Mais voilà que j’avise un Picabia.

Ce n’est pas tant le tableau qui attire mon attention, mais plutôt son titre. Udnie. C’est l’anagramme de la capitale du friûl. Et ce n’est pas seulement une vue l’esprit, puisque même les occurrences de la recherche que j’ai faite ensuite sur google sont largement à l’avantage du nom de l’équipe locale de football de Udine.


Mais en fait, ce à quoi Francis Picabia fait référence ici, c’est à Jean d’Udine, pseudonyme de Albert Cozanet, qui a accompagné le mouvement de l’abstraction dans l’art, par ses théories empruntées à la synesthésie, phénomènes neurologiques par lesquels, deux ou plusieurs sens sont associés. Par exemple, pour le plus courant de ces phénomènes, un son est associé à une couleur et ceci de façon totalement involontaire. Albert Cozanet a peut-être choisi ce pseudonyme en mémoire de Giovanni da Udine, peintre stucateur italien du 16 ème siècle, élève de Giorgione et de Raphaël, qui excellait à peindre les ornements, les fleurs et … vous lisez bien… les bruits! Ce qui montre bien que les querelles entre les différents arts, pour définir ce qui est représentable, ne date pas d’aujourd’hui.

Picabia a souffert lui-même du complexe du peintre face à la photographie. Dans la campagne, autour de Moret-sur-loing, il a longtemps combattu avec son pinceau, la carte postale qui était en train de naître et de s’imposer, en ce début de 20 ème siècle. Et pour ne pas s’avouer vaincu, ne dit-on pas, qu’à son grand-père Louis Alphonse Davanne, chimiste et photographe, président de la Société Française de Photographie, qui lui soutenait qu’un jour la photographie remplacerait la peinture, il s’opposa par une fuite du réel en se reportant sur la représentation des idées.

Cependant, il faut savoir que le synesthète ne fait que développer, dans son cerveau, plusieurs chemins pour arriver au même aboutissement et ne fait donc qu’améliorer sa mémoire. Ce faisant, il est à l’image des artistes contemporains qui ne se rendent pas compte, qu’ils ne font que bégayer le réel dans lequel ils sont en fait ancrés et se bercent de l’illusion de leur créativité.

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